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Ce n’est pas seulement que, écrivant "Méfiez-vous de la pierre à barbe", Ahmed Madani fasse oeuvre civique sur les temps barbares qui sont les nôtres; ce n’est pas tant son parti-pris de l’épique et de la fable, des plus courageux aujourd’hui que le naturalisme cinématographique envahit les plateaux de théâtre; et ce n’est pas non plus son choix singulier de faire dire la barbarie par des enfants (encore que), non, ce qui fait de ce travail un acte artistique majeur, outre ce qui précède et qui est déjà beaucoup, c’est que cette troupe d’enfants nous dit le vaste monde, puisque multicolore, et surtout qu’elle le dit avec le souci constant et exemplaire de ciseler notre langue, d’être orfèvres dans l’art des syllabes décisives, de restituer au verbe sa primauté.
Joël JOUANNEAU
auteur et metteur en scène


Méfiez-vous de la pierre à barbe

"A l'heure où certains s'interrogent sur la dimension artistique de ces démarches qui tiennent pour urgent et essentiel d'aller à la rencontre de territoires et de populations et d'en faire un élément déterminant et actif de l'acte créatif lui-même, les enfants-acteurs de “Méfiez-vous de la pierre à barbe” imposent la réponse : L'alchimie poétique ainsi provoquée fait du social, du politique et de l'artistique une même substance, nous dérange, nous trouble et nous émeut au plus profond. Ici la beauté fait sens, L'éthique et l'esthétique sont confondues. Nombreux sont les spectateurs de la Villette qui sont sortis de la salle en déclarant ne pas avoir connu de telles émotions au théâtre depuis longtemps, et j'en fais partie."
Philippe MOURRAT, chef de projet




La guerre ultime est celle qui fait dormir les uns pendant que les autres saignent.

"C’était si loin de nous, à l’autre bout du monde, dans un continent perdu où règne le désordre permanent, où l’incurie des dictateurs et des chefs de guerre ne rencontre rien qui puisse réfréner ces turpitudes. C’était dans une autre de nos vies, si multiples, si trépidantes, nous qui sommes si accaparés par nos propres problèmes, nos propres difficultés, nos habitudes, nos trente-cinq heures, notre chômage, notre coupe du monde, nos sans-papiers, nos élections. C’était dans un temps hors du temps, dans un monde hors du monde. C’est là où la douleur n’a pas prise, là où règne le silence, là où nos coeurs ne sont pas. C’était il y a bien longtemps déjà, si longtemps que les linceuls de l’oubli ont déjà tout effacé, que les marées publicitaires pour une vie meilleure et plus pratique ont tout balayé. C’était en 1994. Nos yeux ont vu, nos oreilles ont entendu. Nous avons tous assisté au spectacle de la réalité. Impuissants, incrédules, horrifiés, nous n’avons rien fait pour empêcher la bête immonde de ressortir du ventre encore fécond. Le sinistre “travail” s’est déroulé la nuit, le jour, sans répit, sans fuite possible et près d’un million d’hommes, de femmes, enfants, vieillards ont été soigneusement “travaillés”. Et pendant ce temps nous avons continué à vivre paisiblement."
Ahmed Madani


"Méfiez-vous de la pierre à barbe" a été créé en mai 99 à Mantes-la-Jolie aux Entrepôts Tournesol, puis repris au Théâtre de la Tempête, à la Grande Halle de la Villette / Théâtre International de Langue Française et au Théâtre des Halles dans le cadre du Festival d’Avignon.

Texte et mise en scène :
Ahmed Madani
Direction d’acteurs :
Christine Pouquet


Avec 10 enfants-acteurs : Sofian Boutagni, Hapssatou Camara, Abderrahim El Boumeshouli, Kalifa Konaté, Marie et Pierre Lefebvre, Hosnia M’Barak, Valentin et Margot Madani, Romain Vaquerie et Dominique Magloire (chanteuse lyrique) Thomas Le Saulnier (violoncelliste)

Décor : Raymond Sarti
Création lumières : Jean-François Saliéri
Création sonore : Christophe Séchet
Conseiller percussion : Thierry Fournier
Régisseurs : Bernard Beau et Damien Klein

Partenaires :
En coproduction avec le C.A.C. G Brassens, ce spectacle a reçu le soutien de la DRAC Ile de France, la ville de Mantes-la-Jolie, le Fonds d’Action Sociale, le Conseil Général des Yvelines, la Mission Ville et la Fondation de France.
Le lendemain, dès le lever du jour, on sort pour recueillir les dépouilles et regarder le champ de carnage, spectacle affreux même pour des ennemis. Là gisaient des milliers de romains, fantassins et cavaliers mêlés, selon que le hasard, la lutte, la fuite les avaient réunis. Certains se dressent au milieu de ce monceau de cadavres, tout sanglants ; leur blessure fermée par le froid du matin, ils s’étaient ranimés ; mais l’ennemi les acheva. On en trouva d’autres, les cuisses et les jarrets coupés ; ils découvraient leur nuque et leur gorge, invitant les ennemis à en tirer le sang qu’ils leur restaient. Il s’en trouva dont la tête était enfouie dans un creux ; on voyait qu’ils s’étaient fait un trou eux–mêmes, qu’ils y avaient enfoncé leur visage en jetant de la terre sur leur tête et s’étaient étouffés. Ce qui attira principalement l’attention générale, ce fut un Numide qu’on tira vivant de dessous un cadavre romain ; son nez et ses oreilles étaient mutilés, car le Romain, incapable de saisir une arme, sa colère tournant en rage, avait expiré en déchirant son ennemi à coups de dents.
Tite-Live



© Madani Compagnie 2003